Dans l'exercice de style, Miike laisse de côté ses gunfights et ses yakuza vénères pour d'avantage s'emparer de l'atmosphère de films de genre rendus célèbres par Nakata, tout en y glissant quelques briques d'ambiance que ne renierait pas Kobayashi pour son Kwaidan. Structure temporelle décousue, sans cesse griffonnée par des "rêves" plus ou moins prémonitoires où une jeune femme repense constamment à son douloureux passé de fille de cirque. Jalouse du succès de sa soeur jumelle contorsionniste, elle décida de l'enfermer dans une boite pour lui choper la vedette, malheureusement la petite périra suite à un accident pyrotechnique.
Trois Extrêmes représente finalement une succession de sketch ultra violents, aux propos souvent très graves (le directeur du cirque, douteux dans la relation qu'il entretient avec ses "protégées"), et ce Box ne trahit pas cette donnée. Extrêmement brutal (après un énorme câlin entre la jeune femme et son ancien mentor, elle se retrouve littéralement enfermée dans un sac plastique) et doté de séquences pour le moins explicites, Box nous rappellent qui est à la réalisation. Ceci dit, une fois n'est pas coutume, Miike bosse la carte du contemplatif, sans pour autant tomber dans les méandres d'un rythme exécrablement lent comme savent si bien faire les cinéastes asiatiques et américains adeptes du plagia. Ici, on peut y retrouver du Kwaidan dans une partie de la bande-son faite de sonorités bizarres et répétitives. On y retrouve aussi un thème récurrent dans le cinéma de genre nippon, notamment une fille fantôme, pas mal de suggestions et beaucoup de brouillard...comme cet univers glacial avec ce chapiteau abandonné...source de mélancolie, de souvenirs -macabres ou non.
Par sa durée agréable (une grosse demie heure), l'opus de Miike démontre bel et bien que le cinéaste n'a pas besoin d'offrir des histoires de 2h qui ne feront que les rendrent pénibles à suivre. Box est un sketch sensible, délicat, puissamment violent dans le fond, mais quel plaisir de se trouver en face d'un produit de cette catégorie, en particulier de la part de ce cinéaste, un poil perdu depuis le début des années 2000.
Même à 40 minutes ce segment de Three Extremes souffre de certaines limites miikiennes habituelles. Durant son premier tiers, le film a tendance a trop se reposer sur sa lenteur, à manquer de rythme, à être à deux doigts d'endormir le spectateur. Mais après une belle séquence dont l'esprit surréaliste n'est pas sans rappeler les bons moments de Gozu, le film se met à relever un peu la tête. L'enchainement des séquences est très loin de répondre à une construction narrative rigoureuse mais le film réussit alors à exercer son petit pouvoir de fascination. Il est d'ailleurs dommage que les rebondissements de la fin fassent retomber la tension et aient un effet de "tout ça pour ça". Miike a fait bien pire... et parfois mieux aussi.
Note Globale 3 Extrêmes: 1.5/5
En réalisant ce moyen métrage, Miike a clairement fait référence aux succès de Nakata Hideo et autre Kurosawa Kiyoshi du point de vue du rythme, de l’atmoshère recherchée et des personnages : des petites filles fantomatiques, une adulte traumatisée par les démons du passé et un homme mystérieux aux tendances pédophiles sont au centre d’une idée macabre assez séduisante (une contorsionniste est enfermée dans une boite pr sa sœur puis immolée par accident), mais développée laborieusement tout au long de ces 35 minutes, avec une lenteur frisant la démonstration de style. Pour moi le segment le plus faible du triptyque Three : extremes.
Tout comme pour Three, les sketches du second tryptique se suivent mais ne se ressemblent pas du tout. N'étant sûrement pas un spécialiste de Miike, je n'irai pas replacer le film dans sa filmographie. Box est un sketche intriguant par moments, intense à d'autres, qui joue plus sur l'ambiance que sur l'intrigue. La réputation du réalisateur m'avait conduit à attendre quelque chose de plus délirant, plus rythmé surtout, alors que ce moyen métrage ne joue jamais sur la vitesse mais plus sur l'intensité. Laquelle n'est pas vraiment amenée par des méthodes de frousses classiques (bruitages, effets visuels), mais plutôt par le côté dérangeant de quelques passages. On retrouve à ce niveau le même concept que Dumplings. Aucun des deux ne fait vraiment peur, mais parvient tout de même à saisir le spectateur. C'est déjà pas si mal, surtout que l'intrigue se montre assez décalée par moment, notamment au niveau du décor principal. Reste qu'aun final, on aurait aimé avoir en plus de l'ambiance et des idées un peu dérangeantes (la relation de l'adulte avec les deux soeurs), une intrigue mieux construite et qui mène vraiment quelque part.
2h de film, 3 réalisateurs, 3 styles et plein de ressources mises en oeuvre pour cette trilogie "d'épouvante". Miike Takashi, Fruit Chan et Park Chan-Wook se partagent l'affiche pour donner trois visions différentes du film d'horreur. Alors que Miike pense à une fille vivant dans son rêve, Fruit Chan se base sur l'horreur suggérée et Park Chan-Wook révèle un huis-clos stressant. Les acteurs jouent un rôle important ; leur composition est impressionnante dans chaque, même si les second rôles prennent aisément le rôle de vedette, à l'instar de Bai Ling et sa cuisine dans Dumplings ou encore Lim Won-Hee grandiose en psychopathe dans Cut. Chaque film touche son but, ils sont vraiment tous réussis, et même si leur longueur peut être un handicap, c'est bien maîtrisé. C'est vraiment a voir.
Box :
Miike a pour mission d'ouvrir le bal ; c'est comme le groupe qui passe en première partie d'un concert ; le public vient d'arriver, il n'est pas vraiment prêt à accueillir le spectacle dans l'ambiance qui sied réellement à ce qu'on souhaite vraiment. Et de plus, il n'a que 40 min pour convaincre, au lieu des 2h habituelles ; rude épreuve à passer ; et on peut dire qu'il s'en sort assez bien. Il passe outre la finesse et fonce directement dans un récit ou se mêlent scènes de rêve claustrophobiques et suspens assez classique. Il pose sa signature grâce à un style particulier et une chute assez étonnante. La musique également n'est pas très originale mais sert bien le récit. Donc même si le film reste dans du classique (on sent quand même bien le style japonais), c'est une bonne réussite pour le film qui doit lancer la trilogie.
Dumplings :
On saute du Japon à Shenzhen où l'on retrouve une femme qui cherche un moyen de regagner l'amour de son mari et se retrouve chez une demoiselle qui a un secret de recette de ravioli qui feraient rajeunir ; attention âmes sensibles ; comme évidemment dans chacun des épisodes de la série, on s'attend à être relativement surpris, celui n'échappe pas à la règle mais surprend d'une manière un peu inattendue et surtout assez difficile à supporter. C'est bien mené, sur une atmosphère paisible au début qui bascule d'un coup pour montrer le secret des raviolis. Ce changement de d'ambiance abrupt est vraiment très bien placé dans le film et la maîtrise de la mise en scène simple mais efficace est bien là. Sans doute le meilleur de la trilogie.
Cut :
Encore un choix de réalisateur efficace pour conclure la trilogie. Park Chan Wook décide pour sa part de partir dans un récit encore bien différent de ses confrères ; cette fois ci, on passe dans le huis-clos avec un réalisateur de film riche, beau et sympa, qui se fait séquestrer chez lui par un ancien acteur qui le menace de couper les doigts de sa femme un par un s'il n'étrangle pas une petite fille. Dilemme psychologique pour ce récit ou le suspens et l'action se mêlent avec l'humour pour donner un résultat intéressant et passant très bien à l'écran grâce au talent de mise en scène de Park Chan Wook. A noter également le magnifique plan séquence qui ouvre le film et se terminant sur le "Cut !".