Le retour de l'espionnage en Corée
Pour un pays entretenant une relation particulièrement tendu avec ses voisins, on pourrait s'étonner du peu de films d'espionnage sortant de cette situation géopolitique proche de la guerre froide. Et les deux derniers films à avoir mis en scène des agents (ou anciens agents) du NIS (National Intelligence Service) sont des films d'actions, ne portant la moindre touche d'espionnage. On pourrait ainsi facilement crier au scandale et au gâchis d'un tel potentiel scénaristique, le dernier film d'espionnage sérieux, Double Agent, datant de 2003. Jang Hun vient y mettre son sel et, même si Secret Reunion est très loin du niveau de Double Agent, il n'en reste pas moins un film intéressant à suivre, au scénario bien écrit et aux personnages profonds. Ainsi, on suit un ancien agent du NIS, viré après un gros fiasco, qui se retrouve nez à nez, 6 ans plus tard, avec l'espion qu'il cherchait, alors qu'il fait un travail de détective. Plutôt que de rendre compte de sa découverte au NIS, il engage l'espion dormant sans lui dévoiler son identité, en espérant pouvoir remonter jusqu'à un plus gros poisson. Ainsi, Secret Reunion décrit cette relation entre les deux frères ennemis, et son évolution au fil du temps et des découvertes, chacun connaissant en fait l'identité de l'autre dès le départ. Jang Hun se plait, à l'instar de Rough Cut, à tordre les sentiments et la psychologie de ses personnages pour les mettre devant des dilemnes impossibles à résoudre. L'ancien agent secret veut retrouver sa place sans faire de mal à l'espion, et l'espion veut revoir sa famille sans trahir son pays. Coté mise en scène, le classicisme des plans, du montage, laisse profiter de l'histoire sans encombrer d'esbrouffe, même si des fois, un peu d'originalité, ou une ambiance particulière, aurait été bienvenue. On regrettera sinon les scènes d'action assez mal filmées ; ou plutôt filmées très serrées pour éviter de trop voir les faux raccords, problème assez courant sur les films assez limités techniquement. On se retrouve donc avec des scènes d'action, que ce soit poursuites ou fusillades, assez illisibles, mais sans que cela joue vraiment sur la vision du film, celui-ci ne se focalisant pas sur l'action. Au final, un film regardable facilement, qui ne cherche pas l'inventivité mais essaie de raconter une histoire proprement, et jusque là, c'est réussi.
24 décembre 2010
par
Elise
Garde rapproché
J'avoue une vraie faiblesse pour le précédent long de Jang Hun, "Rough Cut", un bon vieux actioner réalisé avec les tripes et qui propose une parabole assez intéressante sur les travers du vedettariat (phénomène encore plus accrue en Asie et notamment en Corée). J'en attendais donc beaucoup de son second…Le pari est-il tenu ?
Parmi les bons points, il y a cette incroyable maîtrise de la mise en scène; Jang Hung s'est en tous points améliorés et propose une mise en scène discrète, mais néanmoins dynamique, qui colle parfaitement à l'action et aux différents styles de films: plans plus posés au cours des moments plus émouvants, péchu (caméra à l'épaule sans en abuser) durant les séquences d'action. La photo est une nouvelle fois de premier ordre, comme souvent dans les productions coréennes; bref un pas de géant, sachant également que "Rough Cut" n'avait bénéficié que d'un tout petit budget et d'un tournage en HD.
Second gros point positif, c'est l'implacable interprétation de cet acteur génial Song Kang-ho, qui a su – au fur et à mesure des films – à se créer un véritable charisme. Ses interprétations ne diffèrent finalement plus guère d'un film à l'autre, mais il TIENT ses rôles, il impose sa trogne.
C'est également l'une des clés de la réussite de ce second: dans la composition du nouveau duo improbable (après celui de "Rough Cut") incarnés par Song et Kang Dong-won, curieux acteur au physique androgyne. "Romantic bastards !" lancera la méchant de service en fin d métrage…Et effectivement, le duo fait des étincelles et ressuscite le temps de quelques scènes l'amitié viriles, même si parfois tempétueuses des plus grands couples HK hard-boiled.
"Secret Reunion", une réussite majeure ? Pas tout à fait. Si le film tient parfaitement la route et en donne à voir pour son argent, ce n'est quand même pas tout à ait le scénario du siècle, ni n'apporte pas grand-chose au genre en lui-même.
Soit le personnage archi-revu de l'ancien flic revenu de tout, qui applique la loi à sa manière et qui devra s'acoquiner à ce qu'il pensait son pire ennemi: un agent de la Corée du Nord. Jeu de dupes et apprentissage mutuel, où chacun en apprendra l'un de / sur l'autre jusqu'à devenir les meilleurs amis de la Terre – jusque dans le dénouement un brin fantasque. Bof. Y a pleins de fausses pistes, un méchant bien méchant comme il faut et qui mettra des plombes à mourir, malgré des chutes plus hautes, que Stallone dans "Cliffhanger" (bonjour les références).
L'autre bémol, ce serait peut-être également dans la caricature de l'agent du Nord. Tout est fait pour aborder avec autant de diplomatie qu'il faut la figure interprétée par Kang Dong-won, tiraillé entre le devoir, l'amour pour sa mère patrie et son humanité…Mais voilà, le plaidoyer est un peu gros, le message sous-jacent un peu trop simpliste…bref, le personnage stéréotypé habituel de ce genre de divertissements, qui sent juste un plus creusé que la moyenne, mais trop irréaliste dans sa manière de trop vouloir bien faire.
Et enfin, il y a ce petit quelque chose, cet élan passionné et passionnel d'une première réalisation, qui était palpable dans le précédent film de Jang Hun. Cette fois-ci tout se tient parfaitement en place pour faire place à un spectacle de haute volée…Mais il manque cette inventivité dans les rapports entre les personnages et – surtout – les situations habituelles détournées, comme la bataille dans la glaise ou cette montée d'adrénaline au fur et à mesure des coups distribués sur le tournage…Au lieu de cela, il y a des courses-poursuites parfaitement cadrées et des échanges de tirs nourris. Jang Hun, continue, mais n'oublie pas la passion qui t'a nourri au départ !!!
Reunion peu crédible
Histoire farfelue qui ne tient que par un fil, quelques ingrédients sauvent le film du ridicule, le duo d'acteurs surtout.
Mention spéciale au personnage de "L'Ombre" qui peut être aurait mérité d'être plus développé.