Abeille en délire
Avec Takao NAKANO, on pénètre dans un univers de bric et de broc ou la provocation souriante et dévergondée et une inspiration délirante remplacent les gros moyens. Sorte de John Waters nippon (celui de PINK FLAMINGOS et de sa première période), il a derrière lui une filmographie pléthorique ou le sexe et la science-fiction sont omniprésents.
Ici, nous avons droit à une parodie déclarée de CUTIE HONEY le Manga déjà fortement érotisé de Go NAGAI. L’intrigue est carrément absurde et n’est que prétexte à un scénario loufoque pour reluquer des filles aux formes plantureuses se trémoussant en tenue de Cosplay, cet art japonais du déguisement d’après des héros célèbres de Manga ou de séries télévisées locales. Le montage est aussi hystérique que les réactions de ces belles créatures face à des bonhommes libidineux et pour tout dire un peu débiles. Nakano ne donne pas la part belle aux hommes, et le seul personnage masculin plus ou moins d’aplomb est une espèce de dandy dégénéré ultra maniéré.
Défoulement visuel permanent aux couleurs saturées, QUEEN BEE HONEY utilise des procédés dignes d’un ED WOOD pour développer son histoire : le chien est une peluche que les héros agitent en tout sens pour lui donner un semblant de vie, idem pour un poupon représentant un bébé bien mal en point, la liste est longue des astuces de collégien dont Nakano sait tirer partie en toute conscience. Car c’est là la grande qualité du projet : ne jamais se prendre au sérieux, mais proposer au spectateur un sympathique bordel faisant cohabiter jolies filles et monstres ridicules, cette joyeuse bande d’allumés ne se privant jamais d’un gag foireux. Pour accentuer cette impression d’amateurisme revendiqué, le metteur en scène laisse ainsi volontairement le micro apparaître dans le champ de la caméra.
La bonne humeur est rapidement communicative, on sent le travail d’une petite équipe soudée et prête à tout pour s’éclater devant la caméra.
La musique participe à la fête, le générique étant un décalquage direct du morceau titre de la série animée, celui du feuilleton télévisé LE FRELON VERT avec Bruce LEE servant aussi de fond sonore à quelque combat.
Quant aux bombes sexuelles qui pullulent à l’écran, à commencer par la reine des abeilles Kazumi Hiraishi, elles dégagent une saine vulgarité parfaitement assumée qui tranche avec l’aspect inaccessible des vraies stars. Et entre les séquences de Bondage et les cat-fights, il y a de quoi faire, Nakano étant par ailleurs spécialisé dans les vidéos de catch féminin sexy, on comprend pourquoi en regardant son film !
Les deux courts-métrages attenant au film et titrés QUEEN BEE HONEY RETURNS sont encore plus minimalistes, le dernier étant carrément un happening en caméra plus ou moins cachée lors d’une convention locale.
De quoi là encore se régaler de cat-fights improvisés devant des spectateurs un peu perplexes.
A côté du cinéma mainstream qui nous a donné l’excellente version live « officielle » de CUTIE HONEY en 2004, il est réconfortant de constater qu’un cinéma underground, bis ou Z comme on voudra, existe encore, et la version de Nakano n’a pas à rougir de sa grande sœur, pouvant bien sûr se permettre d’en rajouter dans le côté sexuel alors que ses moyens limités lui imposent un résultat bricolé et quelque peu déglingue. Et si les films de Nakano sont évidemment provocateurs et jouissifs, ils gardent paradoxalement un aspect bon enfant indéniable et sont toujours marqués d’une incontestable sincérité. Un vrai moment de plaisir exotique