Un film inattendu et rafraîchissant
Pour la Corée, les années 2001 et 2002 auront été riches en comédie mettant en scène des gangsters à tel point que ça en devient un genre à part entière. Le revers de la médaille est que ce genre est fortement basé sur un formule à succès et que le formatage cinématographique et le djeunisme tendent à sérieusement amoindrir l'impact et l'intérêt de ces films. Mais en checkant les filmos d'acteurs confirmés, on tombe inévitablement sur ce N°3 qui a de quoi faire baver ne fusse que par son casting et sa date de fabrication qui le place quelque peu en dehors des modes actuelles.
Le film commence déjà sur les chapeaux de roue en présentant quasi intégralement tous les personnages qui auront une incidence plus ou moins grande sur le déroulement du film. Une introduction digne d'une série télé et on s'étonne que le réalisateur n'ait pas poussé le vice jusqu'à afficher les noms des acteurs lorsqu'il y'a l'arrêt sur image systématique qui clôture leurs séquences. La première partie du film se concentra sur l'ascension (de courte durée toutefois) d'Han Suk-Gyu au sein de sa hiérarchie mafieuse et de l'infidèlité de sa femme (jouée par Lee Mi-Yeon, toujours aussi craquante comme à son habitude). Ce qui accroche dans ce film, c'est principalement cet humour non-forcé: toutes les scènes se déroulent le plus sérieusement du monde mais c'est l'absurdité des personnage set des situations qui créent le fou-rire. Un bon exemple est le personnage joué par le débonnaire Park Sang-Myun et surnommé Ashtray à cause de son penchant à tuer ou blesser ses adversaires avec un cendrier en verre. Le côté surréaliste est encore renforcé par le côté complètement désuet et naïf de l'histoire d'amour entre Lee Mi-Yeon et le poète qui rappelle tous les clichés esthétiques du genre en vigueur dans les années 80. La réalisation est assez variée et nous gratifie de plan en contre-plongée exagérés ou de poursuite en steady-cam comme dans la scène de l'hôpital.
La seconde partie démarre de façon tonitruante avec un semblant de résurrection de Song Kang-Ho et une séquence totalement géniale tant elle est inattendue où il entraîne trois petites frappes dans les bois et les montagnes pour en faire des tueurs: le tout est filmé à la manière d'un film muet en noir&blanc pour un résultat surprenant. C'est d'ailleurs dans cette partie que le personnage de Song Kang-Ho va acquérir une plus grande importance et pour tout dire, il aurait franchement eu sa place dans un film de Tarantino tant son personnage est haut en couleurs: son monologue sur le "hungry-ism" (désolé, je ne connais pas d'équivalent en français) est carrément anthologique et c'est selon moi sa plus belle performance d'acteur à ce jour. L'autre personnage important qui va entrer dans l'histoire est celle de Choi Min-Sik, un juge tenace et sans crainte mais qui partage le même désarroi qu'Han Suk-Gyu ce qui donne droit à un très beau moment où ils se cognent dessus et se confient ensuite. En dehors de Song Kang-Ho cette partie devient plus grave et se concentre sur une trame plus proche des films de gangsters classiques. Mais arrive la troisième partie qui concluera toute cette histoire et ce de fort belle manière en réunissant tous les protagonistes dans un night-club: une habile pirouette scénaristique qui a l'avantage de faire monter la tension et rendre le cours des événements imprévisible. Sans dévoiler la fin, le film boucle la boucle via ces mini-séquences sur chaque personnages(montées de façon identiques à celles ouvrant le film) où l'on pourra se rendre compte de tout le chemin que chacun aura parcouru pendant le récit.
Je ne savais pas trop quoi attendre de ce N°3 et il faut dire que j'ai été épaté, c'est le genre de petit film attachant qui vous trotte dans la tête et qu'on le se repasse agréablement de temps en temps tant il est surprenant de par sa fraîcheur et son envie de divertir intelligemment.
17 septembre 2002
par
Alain
Déjà passé de mode
A-t-on affaire avec N°3 à un énième film de gangsters dérivé du Parrain, de Scarface ou de Heat ? Oui, mais heureusement avec quelques spécificités le rendant un peu plus agréable à suivre que le tout-venant des resucées; en effet, le ton général est assez décalé et tend vers un côté humoristique parfois assez réussi, comme le tabassage en règle d’un disciple mal élevé par un tueur bégayeur prétentieux, ou un duel dans un jardin d’enfants entre les 2 N°3 d’organisations différentes, avec en prime glissades sur des toboggans et accrochage aux toiles d’araignée en corde. L’importance donnée à la hiérarchie prête aussi à sourire lorsqu’on voit Han Suk-Kyu changer radicalement d’humeur devant des gens n’étant pas au courant qu’il est passé n°2.
Mais en définitive,
N°3 reste un petit film quelconque déjà passablement ringard avec son traitement de la peur de l’an 2000, et surtout avec la coiffure très seventies de son personnage principal. Malgré ses efforts, il a du mal à s’extirper du ventre mou des polars coréens de ces dernières années ; sa photo fait penser à un téléfilm, et quelques passages pas franchement judicieux (l’aventure de la femme de N°3 avec un poète à la noix) le tirent vers le bas. Dommage, car le potentiel y était.