Ménage à trois
Adapté du célèbre roman de Soseki, cette adaptation de Ichikawa est, comme souvent dans le cinéma japonais des années 1950, très fidèle au matériau initial. Au début du siècle, Nobuchi (Masayuki Mori) est professeur d'université et neurasthénique. Désespérée, sa patiente et fidèle jeune femme encourage ses dialogues avec un de ses étudiants. Celui-ci rappelle à Nobuchi son grand ami de ses années d'études, Kaji, mort précocément. Des flash back nous ramènent vers cette période : Kaji était un jeune homme plein de promesses, aspirant à devenir un homme meilleur. En d'autres temps, il aurait sans doute songé à devenir moine, comme en témoigne son souhait de bâtir un nouvel ordre intime entre philosophie et bouddhisme ; en pleine époque Meiji, il doit trouver d'autres voies - et tombe amoureux de la fille de sa logeuse. Or Nobuchi souhaite l'épouser.
AU plan positif, on retiendra une mise en scène élégante et discrète et un regard assez original, je trouve, sur l'époque Meiji et l'envie de connaissances et de réforme (intérieure et collective) de cette génération, par ailleurs plombée par le mal-être (Akutagawa, Soseki...). Ce n'est pas un hasard si le professeur voit la mort de l'empereur (en 1912) comme un deuil et sa propre mort : sa génération entre dans l'histoire et le passé et qu'a-t-il fait de sa vie ? Et puis bien sûr l'homosexualité latente qui lie Nobuchi à Kaji propose un arrière-plan, jamais explicité mais qui enrichit le film. Reste que celui-ci reste assez compassé, beaucoup trop bavard - et que la faiblesse du rôle féminin (pourtant pivot du drame) rend un peu bancal cette rivalité amoureuse.