Bien fait, mais finalement assez vain
Voir un réalisateur chinois qui fait un thriller limite érotique (ce n'est finalement pas si chaud que ça), c'est tout de même assez intriguant, surtout lorsqu'il s'agit d'un nom comme Chen Kaige. Voulait-il simplement transgresser un petit interdit (ce genre de film sur l'adultère ne pouvant pas vraiment être fait en Chine actuellement)? Difficile à dire, car si la manière est assez efficace, on se pose beaucoup de questions sur la pertinence du projet sitôt le mot Fin passé.
En effet, il faut tout de même reconnaître à Chen Kaige une certaine efficacité dans la manière. Le début du film suit un bon rythme, aucun temps mort, on ne peut pas vraiment deviner la personnalité de chaque personnage, et tout comme Alice, on aimerait en savoir plus sur Adam. On attend donc la fin du film de pied ferme.
Hélas, celle-ci est mal organisée et trop convenue pour vraiment faire du film quelque chose de marquant. Quant à une quelconque philosophie, elle ne viendra finalement jamais pour plutôt conclure à un constat bien pauvre du genre "une de perdue, une de perdue", ou "qui vole un oeuf, vole un oeuf".
Reste aux hommes à profiter de la belle Heather Graham qui n'hésite pas à se dénuder. Les femmes s'en tirent pas contre moins bien avec le sieur Fiennes qui se montre finalement très peu expressif... C'est donc un peu léger pour un thriller érotique pourtant assez bien mené, mais qui s'embourbe litteralement dans un final très confus. Décevant donc.
Chen Kaige sur les traces d’Ang Lee ou de Wayne Wang ?
Cinéaste chinois monumental ( Adieu ma concubine, L' Empereur et l'assassin) et reconnu (festival de Cannes notamment), Chen Kaige s’est donc exilé à Londres pour s’essayer au thriller sulfureux. Le choc est aussi stupéfiant que si l’on annonçait Jean-Luc Godard tournant un remake de Legend of Zu… Non sans un certain enthousiasme, Kaige use d’un savoir-faire indéniable pour mettre en scène une rencontre fatale entre Heather Graham, allergique aux soutien-gorges, et Joseph Fiennes, beau ténébreux costaud aux expressions du visage limitées, par le biais de larges mouvements de caméra et d’un montage très tendance (fondus enchaînés, multiplication des angles de vue), au point de bien vouloir se laisser entraîner dans cette histoire sans trop rechigner.
Malheureusement, les promesses et attentes suscitées par l’intrigue (qui est vraiment Adam ? Qu’a-t-il fait de mal avant de rencontrer Alice et de l’épouser ?) ont bien du mal à pointer leur nez, et quand les révélations affluent dans le dernier quart d’heure, les invraisemblances s’avèrent si énormes que l’intérêt du film s’effondre lamentablement. Pourquoi avoir choisi des ficelles grossières comme le piolet contrefait laissé chez la sœur, le pistolet feu d’artifice à portée de main, les coïncidences de rencontre trop flagrantes, l’impunité judiciaire d’Adam après avoir défoncé sauvagement un voleur à la tire, ou les conclusions étranges d’un flic qui confie à Alice qu’ « Adam a un potentiel violent mais que ça se voit que ce n’est pas un tueur » ? Pourquoi avoir expédié en quelques minutes un final et un épilogue auquel Kaige lui-même semble ne pas croire ?
Feu de Glace n’invente donc rien et peine à retenir l’attention plus de 45 minutes ; on peut donc légitimement se demander ce qui a poussé Chen Kaige vers ce scénario insipide et bien creux. Des impôts à payer peut-être?
Une histoire à coucher (dehors)
La seule explication quant à cette excursion à l'étranger de la part de KAIGE serait sa volonté de prendre pied dans un circuit commercial en-dehors de la Chine. Dans cette nouvelle adaptation d'un roman, rien, absolument RIEN ne se réfère à aucun thème précédemment exploré par le réalisateur...
Ou plutôt si : l'érotisme retenue tout au long de son oeuvre. Empêché par la Censure Chinoise, il n'avait jamais pu aller très loin dans la représentation de ses histoires d'amour, scènes qui semblaient pourtant le tenter comme le laissaient suggérer l'omniprésence des scènes dans ses oeuvres antérieures; en même temps, cette retenue avait confiné un certain charme à ses productions...Tel n'est plus le cas ici. En retard d'une bonne dizaine d'années sur le boom amorcé par "Basic Instinct" et perpétué par la ribambelle de productions de même type comme "Lunes de Fiel" de Polanski ou le médiocre "Fatale" de Louis Malle, KAIGE se lance donc à son tour dans le thriller érotisant...Outre la belle plastique de Heather Graham, finalement pas grand chose à sauver. L'intrigue se repose également sur un refrain bien connu et maintes fois abordé dans nombre de thrillers plus ou moins réussis durant les années '90s : celui de la paranoïa de son partenaire : est-il un criminel coupable ou un innocent blanc comme de la neige ? Et qui donc tente de me mettre en garde par de mystérieuses missives bien éclairées ?
Le problème avec ce type de productions est que le maigre point de départ suffit rarement à tenir sur la distance d'un long métrage - et que forcément, les coupables tout désignés ne le seront pas. Tel est également le cas de ce très mou "Killing me softly", qui tente vainement de tromper l'ennui occasionné par la récurrence de scènes érotiques pimentées. Entre deux, de longues plages de vide scénaristique, que les nombreux effets de caméra (KAIGE aura certainement profité du fait d'avoir un très bon matériel à disposition pour faire joujou) et la belle plastique ne sauront sauver; sans parler de nombreuses invraisemblances : le présumé coupable tabasse sérieusement un pickpocket à la sauvette sans être inquiété par la police, le témoignage de la terrorisée Heather Graham au poste de police est une seule grosse blague et même la scène finale est - à y penser de plus près - à mourir de rire...Jusque dans le moment grand-guignolesque où un personnage tourne le dos pendant des heures à un autre venant de l'arrière pour lui administrer un grand coup de pelle - du grand n'importe quoi !!!
Il n'est uniquement à espérer, que KAIGE soit bien conscient de ses erreurs commises - ce qui est loin d'être gagné à regarder ses dernières oeuvres, qui se vident de plus en plus de toute substance sensible pour ne plus ressembler qu'à des vastes comptoirs de présentation mercantile sans aucune âme...