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Kill Bill Volume 1

Notes
Conférence de presse de KILL BILL Volume 1

Quentin Tarantino parle vite. Et beaucoup. Et, comme Christophe Gans, il est passionnant ! La petite différence non négligeable, c'est que l'ami Quentin arrive aussi à retranscrire cette passion et cette énergie sur l'écran. Du coup, une conférence de presse avec le chien du réservoir en personne ne pouvait se refuser.. La voici donc retranscrite avec tout l'effet "décousu" propre à ce genre d'évènements, boosté ici par le haut débit du monsieur. Vous y découvrirez notamment que Godard a toujours raison, et que Tarantino peut être teigneux si vous le cherchez, même 6 ans après. Rencontre avec un homme franc qui n'a pas changé d'un poil depuis 10 ans, accompagné de son Lawrence Bender de producteur, et de la potiche Julie Dreyfus.

Tarantino : J'ai grandi en regardant des films d'arts martiaux. Quand ce genre n'a plus eu de succès aux USA, les blacks ont continué à en faire. Ce sont ces films-là que j'ai regardé. C'est ce qu'on appelle le "Grindhouse Cinéma", les films de kung-fu, de samurai, les western spaghetti... Kill Bill est un hommage à ces films.

Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour faire un nouveau film ?

Tarantino : Ma façon de travailler, c'est d'écrire au calme, dans les bois, au resto, à la maison.. J'ai travaillé sur 4 films qui ne se sont pas fait. Finalement, le temps est passé très vite.

Il y a des influences B.D. dans le film..

Tarantino : Il y a un feeling bande dessinée en effet, mais pas directement. C'est un monde entre les comics et le cinéma. Le personnage de Sonny Chiba par exemple, est vraiment un personnage de bandes dessinée, dans sa façon de se transformer en maître diabolique.. Dans ce "Volume 1", il n'y a pas trop de dialogues pop, mais dans le 2, vous verrez, il y en a un sur Superman..!

Que pensez-vous du piratage ?

Vous savez, la minute ou le film sort, c'est fini, on ne peut plus rien contrôler. On ne sait pas quoi faire. Mais de toutes façons, que les gens achètent une copie pirate à Time Square ou Saint-Germain, ils vont aussi voir le film. Et puis, en Chine par exemple, la sortie du film n'est toujours pas prévue. Grâce au piratage, il sort là-bas, donc c'est pas plus mal !

Êtes-vous un fétichiste des pieds ? Il y a encore une scène particulière à ce niveau dans le film...

Chaque plan de pied dans ce film est justifié !!! (rires) Le plan du pied qu'on devait faire avec Julie, on le refaisait chaque semaine.. Julie refaisait une pédicure toutes les semaines ! Et ce fut d'ailleurs le dernier plan filmé.

Julie Dreyfus : Le scénario était très précis, donc c'était très pratique. En général, Tarantino, avant le tournage, donne des devoirs à faire, des films à regarder à ses acteurs.

Quentin, êtes-vous porté sur la vengeance, vous-même ?

Tarantino : La vengeance, c'est pour les gens en colère. Moi, je la dégage de mon système, et j'oublie. A une heure du mat', je pense "j'vais faire ci, j'vais faire ça..", mais finalement j'oublie. Je crois en la maxime "rira bien qui rira le dernier". Y'avait un mec à Hollywood, un connard, je vous dirai pas qui, qui arrêtait pas de me cracher dessus dans la presse, qui se rendait disponible aux magazines lorsque je sortais un film pour m'y dénigrer et dire du mal de moi. J'en ai jamais parlé en interviews, pour ne pas y donner trop d'importance. Mais Hollywood est une très petite ville, et je savais qu'un jour je me retrouverai dans la même pièce que lui.. J'ai attendu 6 ans, et un jour, je rentre dans un restaurant et il était là ! Je l'ai explosé !

Il y a une scène de combat en noir et blanc dans le film..

La scène en noir et blanc est surtout pour le public occidental. Dans les films de Hong Kong, la bataille de fin est souvent trop longue. Moi, je voulais de la variété. Je voulais stimuler l'oeil. D'ailleurs, ça prouve un truc que Godard a dit par rapport au sang dans le film Pierrot le Fou : il disait que le public n'avait pas peur du sang, mais de la couleur rouge. Ici, dans cette scène, il y a plein de sang, mais comme c'est en noir et blanc, ça n'effraie personne, c'est pas grave ! Comme toujours, Godard avait raison.

Il y a toujours des personnages de femmes dan vos films..

En fait, lorsque je les filme, je veux que vous les voyez à travers mes yeux, et que vous les chérissiez comme je les chérit...

Pensez-vous vraiment que la vengeance est quelque chose d'aussi facile que vous le montrez dans le film ?

Vous savez, ça n'est pas un film complexe, c'est un "revenge movie", CQFD. J'aime les films de samurai, les productions Shaw Brothers, les western spaghetti.. Je voulais traiter ce genre, rassembler tous ces genres de films en un seul. C'est un univers cinématographique de cinéma : tout le monde porte un sabre de samurai dans l'avion, dans l'aéroport, il y a même un porte-épée de samurai pour les passagers !

Lawrence Bender, quelle est votre position dans la relation entre Harvey Weinstein et Quentin, êtes vous une sorte de tampon entre les deux ? Et en quoi Quentin a changé depuis Reservoir Dogs ?

Lawrence Bender : Tarantino sait ce qu'il doit faire. C'est un pro. Sur Reservoir Dogs, Quentin disait qu'il était la personne la moins expérimentée. Il n'avait fait qu'une vidéo d'exercices physiques de Dolph Lundgren ! Quentin n'a plus peur d'être viré maintenant. Pendant le tournage de Reservoir Dogs, quelqu'un avait été viré d'un autre film, Quentin avait peur. Du coup, j'ai organisé le tournage de façon à filmer les scènes les plus dures au début. Personnellement, je dois créer pour Quentin et ses équipes un environnement, pour qu'on puisse avancer. Quant à la relation avec Harvey Weinstein, je ne me met pas entre Quentin et lui, c'est un triangle avec nous trois, avec trois opinions.

Tarantino : J'ai repensé à Reservoir Dogs. Tout était programmé, préparé à l'avance. Aujourd'hui, ils sont contents s'ils ont le planning de ce que je vais faire le jour même ! J'avance plutôt au fur et à mesure, même si je visionne précisément les scènes dans ma tête.

Ferez-vous bientôt un film d'inspiration nouvelle-vague ?

Un film "melvillesque", plutôt ! Ca pourrait être un film français. J'essaie de réinventer le film de genre, de la façon dont la nouvelle vague l'a fait. En parlant du film "Bande à Part", Pauline Kael (célèbrissime critique cinéma américaine des années 70-80, ndlr) avait écrit "Bande à Part, c'est comme si un groupe de mecs français avaient mis la main sur un roman policier et le traduisaient grâce à la poésie qu'ils lisent entre les lignes". Lorsque j'ai lu ça, je me suis dit JE VEUX FAIRE CA !

Quels sont vos projets ? Il y a pas mal de rumeurs..

Peut-être un remake d'un film de King Hu fait pour les Shaw Brothers. Ou alors Inglorious Bastards, ou Pulp Fiction 2.. Je voulais écrire un film qui se passe pendant la seconde guerre mondiale, et finalement j'en ai écrit deux ! Ca pourrait s'appeler "Once Upon a Time in a Nazi-Occupied France" ! En fait, je ne saurais qu'après avoir terminé Kill Bill Volume 2.

Comment vous y prenez vous pour vos bandes originales, obtenir les droits des morceaux..

En fait, je suis très surpris qu'il soit si facile d'obtenir les droits des vieux morceaux d'autres films. Peu de gens le font, tant mieux. Vous appelez les maisons de disques, vous payez pour la licence des morceaux, ils seront content de le faire, ils veulent la tune.. Je suis ainsi fier d'affirmer que les plus grands compositeurs de musiques de films ont travaillé sur Kill Bill ! Simplement, ils ne le savaient pas eux-même..! Les Shaw Brothers d'ailleurs utilisaient souvent des sons d'autres films. Ils les piquaient, tout simplement. Parfois, c'était d'ailleurs mieux utilisé que dans les films d'origine ! Ca n'était pas inhabituel d'entendre un thème de kung fu, puis du Bernard Hermann, puis la musique de Shaft.. Cette juxtaposition fait partie du genre.

Comment s'est passé votre collaboration avec RZA, qui a participé à la musique ?

Ils parlaient le même langage que moi ! Ils savaient tout des petits sons de films, des bandes originales. On discutait, l'échange était incroyable. Je parlais d'un bruitage dans tel filme, ils le retrouvaient aussitôt !

Comment commencez-vous l'écriture d'un film ?

Je crois en l'adage "on n'écrit pas de la poésie avec une machine à écrire". En fait, tu trouves une idée, puis il y a une période d'incubation, l'idée grossit, grandit dans ta tête.. Jusqu'à ce que tu y penses constamment. Chaque heure, tu ne penses à rien d'autre.. mais tu n'écrit pas encore, tu attends. Et puis, tu fais d'autres trucs, et tu y penses quand même... alors LA, tu te mets à écrire ! Les personnages me dictent ce que j'écris. je ne suis qu'un sténographe, en fait. Et j'aime beaucoup l'improvisation.

Avez-vous rencontré un problème majeur sur le tournage ?

Lawrence Bender : D'habitude, dans les films de Quentin, les personnages parlent, changent d'endroit, parlent à nouveau.. Dans ce cas précis, c'était de l'action non-stop. Un problème qui nous a apparu : par quel pays commencer le tournage ? Nous avons aussi eu des problèmes de traduction, entre le chinois (mandarin et cantonais), le japonais et l'anglais..

Tarantino : ..et l'australien ! En fait, il n'y avait rien dont nous connaissions la réponse. J'ai réglé ce film de façon à ce qu'il soit difficile à faire. C'est ma première vraie expérience de réalisation de scènes d'action. Et je ne restait pas dans ma chaise, tranquille, pendant que Yuen Woo Ping faisait les coordinations des cascades, à me lever ensuite pour dire "GREAT !".. J'étais partout sur le plateau, à m'occuper de chaque détail. En parlant de la scène de la pièce bleue, le décorateur, Richardson, nous a dit "j'ai fait des scènes difficiles, mais ça !".. Il nous a fallu 8 semaines pour faire cette scène. En comparaison, le tournage entier de Pulp Fiction a duré 10 semaines en tout !

Propos recueillis et traduits par Rurik Sallé
François

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