| Xavier Chanoine | 2 | Un Naruse très court vite oubliable |
Première collaboration entre Takamine Hideko et Naruse Mikio, Hideko receveuse d'autobus est un film mineur dans la filmographie du cinéaste mais qui démontre déjà de fortes symboliques qui lui seront chères au cours des années à venir. On y trouve effectivement une femme pleine de courage qui voit son destin chamboulé simplement parce qu'elle le veut, en effet cette dernière propose ses services de receveuse d'un petit bus miteux pour sauver l'entreprise face à une concurrence trop grande, image classique de la femme forte chère à Naruse, et cette image suivra l'actrice tout au long de sa carrière chez Naruse. On y décèle aussi un plan très particulier, celui du passage du train, qui annonce dans un certain sens une nouvelle vie pour la jeune femme, plan classique que l'on trouvait aussi chez Ozu et une image que l'on retrouvera régulièrement dans le cinéma de Naruse. Hideko receveuse d'autobus, en dépit de son caractère mineur, est intéressant avant tout historiquement parce qu'il annonce une collaboration quasi divine entre une actrice de talent et un directeur d'actrices remarquable. Naruse donne d'ailleurs déjà une belle importance au personnage incarné par Takamine : en plus de porter le même prénom que l'actrice, c'est par elle que le film est porté du premier au dernier plan à bord de l'autobus qui représente une image bancale et instable (de par son côté un peu cheap) d'une personne qui est faite pour aller toujours de l'avant qu'importe les obstacles qu'elle trouve sur son chemin.
Cette personne on la trouve à son bord, d'abord spectatrice avant de devenir receveuse après l'aval du chef d'entreprise qui lui enseignera d'ailleurs les us et coutumes du métier (de l'intonation de voix à la gestuelle millimétrée, symbolique de la rigueur japonaise). Intéressant portrait d'une jeune femme pleine d'entrain évoluant pour finalement trouver sa voie, et l'occasion pour Naruse de démontrer par l'intermédiaire de cette bobine de moins d'une heure l'abnégation et l'envie sans cesse montantes des femmes japonaises durant la seconde guerre mondiale. Pas tout à fait de l'ordre du film de propagande, il ne faut pas aller trop loin, le film expose pourtant largement un optimisme presque naïf, le film étant accompagné d'une musique guillerette comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. Niveau mise en scène, Hideko receveuse d'autobus n'est pas non plus ce que l'on a vu de meilleur chez le cinéaste (le mouvement de caméra en quatre temps suivant le train est un exemple) et est exécutée de manière très académique. Mais l'interprétation de bonne facture et le style enlevé du film comblera les amateurs des curiosités des maîtres. On est tout de même très loin des standards.
