Adapté d’un roman de Sakaguchi Ando, le premier long métrage de Tezuka Makoto, fils du grand réalisateur d’animation Tezuka Osamu, est pour le moins ambitieux puisqu’il tente de recréer sur près de 2h30 un Japon rétro-futuriste totalitaire qui exploiterait le peuple par la télévision sur les ruines encore fumantes de bombardements massifs répétés. On pense bien sûr à 1984 et à Brazil à la vision de ce film doté d’un budget confortable, de décors très consistants puisque la ville a été construite sur un plateau de tournage géant, d’une photographie très travaillée avec des couleurs chaudes (ciel rouge, lumière bleue vive), et d’un casting intéressant : le Johnny Depp nippon ASANO Tadanobu incarne un rôle de jeune marginal fataliste et suicidaire (une fâcheuse tendance à la pendaison) qui fait bigrement penser à son rôle 4 ans plus tard dans Last Life in the Universe, et la somptueuse Hashimoto Reika confirme dès son premier grand rôle tout le charisme qu’on a pu lui trouver dans Survive Style 5+.
A priori donc, tous les éléments étaient réunis pour faire de Hakuchi l’idiote une œuvre sinon majeure, du moins aussi jubilatoire que réfléchie, d’autant que la comparaison de ce monde imaginaire avec un Japon réel en pleine incertitude avant le passage à l’an 2000 (récession, désillusions face au monde du travail) pourtant pollué par des émissions TV superficielles et débiles était assez frappante. Malheureusement, Tezuka n’arrive à aucun moment à faire décoller son film, faute à un rythme d’une lenteur écrasante et à un propos vaseux asséné sans aucune finesse. Le couple de circonstance composé d’un Tadanobu au bout du rouleau et une Miyako « idiote » ne provoque jamais la moindre étincelle, jamais la moindre émotion, ce qui fait qu’on ne croit pas une seconde à leur histoire d’amour censée changer leur vie ; il est d’ailleurs plus qu’étonnant que le personnage masculin traite et considère sa compagne comme une idiote parce qu’elle ne parle pas, alors qu’il a eu le coup de foudre en la trouvant cachée dans son placard…
Si c’était la seule interrogation, ce ne serait pas important. Mais on ne peut pas dire que le scénario soit convaincant pour le reste du film : une immense explosion finale détruit ce qui reste de la ville sans réelle justification, on ne sait ce qu’il advient du diktat de la Télévision, tout juste croit-on comprendre que l’apocalypse a libéré l’esprit littéraire et les petits oiseaux qui chantent… Au final, Tezuka réussit l’exploit de signer une œuvre aussi superficielle et insignifiante que ce qu’il entend dénoncer, ainsi qu’un joli bide commercial pour le même prix.