Astec | 2 | Adaptation castrée |
Est-il préférable d’avoir lu le manga avant de voir le film ou faut-il se faire le film sans rien connaître du manga pour l’apprécier ? A cela l’internaute éclairé et suprêmement intelligent répondrait probablement dans un souci de donner la juste perspective bonne (ou la bonne juste perspective aurait dit un otaku homonyme de Kant) : série animée.
Iconoclaste, voilà un terme qui peut en grande partie résumer une des forces du manga de Fujisawa Tôru. Iconoclaste par son exagération graphique lorsqu’il s’agit de caricaturer des expressions, iconoclaste pour définir l’attitude de ce faux vrai prof véritable loubard au grand cœur. Si on enlève cette dimension dans le traitement du personnage il ne reste plus que des histoires à la morale plutôt morale emplies d’une galerie de personnages caricaturaux et de situations faîtes de grosses ficelles. C’est le propre d’un manga sérialisé dans un magazine de prépublication à fort tirage et dont les ingrédients sont quasi scientifiquement définis pour toucher son public cible. C’est donc dans ce mélange de recettes convenues (au bout de quelques tomes de lectures) et d’un traitement formel décalé que réside une des raisons du succès, amplement mérité, de GTO. L’adaptation en série TV animée (sans tenir compte du cas du drama - live - qui en a été tiré), petit écran et audience plus large oblige, se situe exactement à mi chemin du ton ultra déjanté de la version papier et du conformisme, en comparaison, de la version cinéma. Une série animée agréable donc mais pas aussi hilarante que l’oeuvre originale. Un compromis acceptable aurait dit un homonyme otaku de Mr l’Ambassadeur...
Le problème avec ce film, puisqu’il faut y venir, c’est que le passage sur grand écran gomme l’essentiel de la surenchère non seulement dans la façon dont le Great Teacher résout les imbroglios, mais également dans son rapport à la gente féminine (rappelons que c’est un puceau obsédé). Le coup de la capote, dans le film, étant franchement trop timide pour combler ce déficit. Allégé de cette dimension béotienne le récit ronronne et jamais ne décolle vers les sommets d’hilarité qu’on était en droit d’attendre. Parfois, furtivement, au détour d’une prise de catch ou d’un long plan de face sur la - superbe – poitrine en mouvement de Fujiwara Norika en pleine course (au ralenti bien entendu), on retrouve un peu de l’esprit GTO. Mais c’est bien trop peu pour marquer les esprits. En lieu et place de grands moments comiques c’est une comédie gentillette qui nous est servie. Formellement le film est au diapason de ce ton assagi, nulle folie ou exagération visuelle (ou trop rarement) ne vient émuler l’exubérance graphique du manga et on a plutôt l’impression de visionner un téléfilm avec des bandes noires en haut et en bas de l’écran. Et pourtant il y avait de quoi faire avec un Sorimachi Takachi présentant toutes les aptitudes pour incarner le rôle d’Onizuka et qui réussit d’ailleurs a faire de ses cheveux brun la coupe naturelle du personnage (qui lui est blond au départ). Idem pour les personnages secondaires qui collent bien aux socio-types du manga. Mais la sauce ne prend jamais vraiment dans ce film qui pouvait pourtant devenir un super OAV live.
Alors le dossier de presse du distributeur japonais (Pony Canyon) peut bien flamber comme un yakuza péroxydé : plus de 25 millions d'exemplaires du manga vendu depuis 1997, un drama qui a connu des taux d'audience avoisinant les 30% de téléspectateurs en 1997, des ventes vidéos de 100 000 copies et un special TV (drama toujours) ayant obtenu 27% d'indice d'écoute en 1999...; GTO est une adaptation « castrée » pour un film à peine plus que passable.