Historiquement parlant, Fisherman’s Fire vaut son pesant d’or puisqu’il fait parti des quelques rares films des années 30 (on parle de deux ou trois) à avoir été officiellement retrouvés et certifiés par la Corée. Il est aussi intéressant de noter qu’il fait parti des rescapés de l’époque coloniale japonaise, les sous-titres nippons incrustés à la pellicule, le Tsuchihashi Talkie System utilisé pour l’enregistrement audio (sous la houlette de la Shochiku) et la présence massive de techniciens japonais confirment cette donne dans un aspect autrement qu’historique. Malheureusement il est particulièrement difficile d’avoir un avis tranché sur Fisherman’s Fire puisqu’il semble incomplet en bien des points : le montage définitivement incohérent semble couper des parties entières de bobine rendant la compréhension délicate. Un pêcheur doit une certaine somme d’argent à une importante personne, Jang, mais ne semble pas trouver les fonds à cause de la crise du marché. Il disparait un beau jour en mer laissant sa fille In-Soon à présent orpheline. Jang aimerait bien louer les services d’In-Soon afin d’éponger les dettes de son père et souhaiterait par la même occasion qu’elle devienne sa maîtresse. Afin de l’aider à s’échapper de cet étau qui se resserre de plus en plus, son amie Ok-Boon lui conseille de se rendre à Séoul pour démarrer une nouvelle vie, mais c’est sans compter sur les intentions belliqueuses de Cheol-Soo, le fils de Jang, qui la manipule grâce à son verbe raffiné et sa richesse. La vie d’In-Soon va-t-elle reprendre son cours ?
Avant d’être un pur mélo qui remplit son cahier des charges, Fisherman’s Fire est une vraie déclaration sur la jeunesse. Les jeunes femmes souhaitent avoir une perspective de vie des plus modernes, préférant la grande ville à la campagne misérable, les quelques plans de la ville confirment un chemin tout tracé pour quiconque rêve de conquérir la capitale. Malheureusement la présence masculine tend à amoindrir les chances de réussite d’In-Soon, l’homme est ici souvent comparé à un être profiteur capable du pire pour arriver à ses fins, le viol d’In-Soon est ainsi suggéré mais bel et bien réel. Et le fait qu’elle soit devenue geisha marque aussi cet « échec » qu’on le veuille ou non, comme c’était souvent le cas pour les filles de paysans ou de pêcheurs. Il est frustrant de ne pouvoir en dire plus que ça sur cette rareté tant les traces du temps ont fait leur boulot : les séquences n’ont que très peu de cohérence entre elle et semblent assemblées un peu n’importe comment dans un pur souci de reconstitution pour la reconstitution. Les plans sur la mer sont moches, le sens du cadre est inexistant (il arrive même qu’un acteur ait sa tête hors du cadre) et malgré un ou deux plans plutôt osés (l’apparition du visage de Cheon-Seok dans l’étang, quelques brèves séquences contemplatives sur la nature assez réussies), le film ne jouit pas d’une mise en scène affolante. On est tout de même très loin du classicisme raffiné des studios nippons, tout en se rappelant que le film a été réalisé durant l’ère coloniale. Toujours est-il qu’il est intéressant de voir en Fisherman’s Fire les traces d’un cinéma fraîchement déterré (la copie aurait été retrouvée par le China Film Archive en 2004), qui aurait pu définitivement tomber dans l’oublie. A voir définitivement pour sa valeur historique plutôt que cinématographique, l’œuvre n’étant qu’un mélodrame parmi les autres, intéressant dans certains aspects politiques et sociaux (l’éternel contraste entre la vie rurale et urbaine), mais bien trop charcuté pour espérer y trouver autre chose.