Déchu déçu
Le producteur et réalisateur indépendant Arato Genjiro est surtout connu pour avoir financé le fameux "Zigeunerweisen" de Suzuki au début des années 1980 et avoir lui-même organisé la tournée promotionnelle et les projections sous un chapiteau gonflable, après que l'ensemble des exploitants nippons de l'époque refusaient de diffuser les films.
Il s'est ensuite illustré en produisant et réalisant des œuvres souvent très dures et abordant des sujets tabous, comme l'inceste dans son propre film "Girl of silence" en 1995 ou encore l'incroyable "Murmures des Dieux" d'Omori Tatsushi en 2005 (dispo en France chez Kinotayao).
Ce n'était finalement qu'une question de temps, avant qu'il ne s'éprenne de l'œuvre de l'un des écrivains les plus célèbres du genre du watakushi shōsetsu (romans autobiographiques écrits à la première personne), Dazai Osamu, qui s'est inspiré de sa propre vie mouvementée pour rédiger ses romans. Ecorché vif, il fut à la fois alcoolique, dépendant à diverses drogues et tenta de se suicider des très nombreuses fois avant de trouver la mort au cours d'une noyade en 1948 toujours pas élucidée à ce jour. Homme à femmes, il avait mené nombre d'affaires avec des geishas et autres prostituées avant de se marier plusieurs fois, en continuant à faire des enfants avec des nombreuses maîtresses.
C'est tout cela, que l'on retrouve dans ce "Fallen Angel", adaptation de l'un des tous derniers romans de l'écrivain. Intrigue se passant au cours des années 1940, Arato réussit à parfaitement restituer l'époque en touchant parfois au sublime, comme lors de cette magnifique dernière scène à bord d'un train.
Dommage seulement, que le film tout entier ne soit pas à l'image de cette reconstitution superbe.
Le principal problème vient du fait, que l'on n'arrive à aucun moment à s'attacher à son jeune interprète principal interprété par la pop idol Ikuta, dont la gueule d'ange fait évidemment chavirer les cœurs, mais qui n' absolument pas l'étoffe, ni la carrure pour restituer toute la souffrance du héros du livre…Il aurait également fallu bien plus de finesse de la part de son réalisateur, pour réussir à donner raison à ce personnage singulier et surtout très égoïste, qui vivote d'une femme à l'autre, incapable d'aimer…de s'aimer finalement poru s'accepter.
Le film se contente donc de suivre un être fort égoïste, qui plaque subitement tout pour aller voir ailleurs, entraîne d'autres personnes dans son propre malheur et sera même responsable de la mort d'autres que lui (rappelant d'ailleurs un épisode tragique au cours de laquelle Dazai Osamu tenta de se donner la mort en compagnie d'une jeune inconnue, qui, elle, ne survécut pas).
Un exercice de style péniblement appliqué, un pseudo-film auteurisant, qui ne provoque que désintérêt et ennui pendant toute sa durée de plus de deux heures.