Tanuki | 2.5 | Si seulement il y avait eu un autre dessinateur... |
Ordell Robbie | 1 | Dessin inutilement laid et apport thématique par rapport au film nul |
Adaptation à rattacher directement au livre de Kôshun Takami, également scénariste ici, le manga Battle Royale a débarqué au Japon très peu de temps avant le film de Kinji Fukasaku. Ce laps de temps réduit empêchera de taxer l'œuvre de purement commerciale même si elle en a parfois l'odeur.
Du côté de l'histoire, pas de grosses surprises puisque la trame générale reste la même. On connaît donc a priori déjà la fin en ayant vu le film. Tout va se jouer sur la façon de raconter les choses et surtout sur la façon de les mettre en images. Pour mieux situer certains personnages-clés, une petite introduction les met en avant puis c'est l'entrée directe dans la boucherie. Présentation du jeu, rencontre avec le grand superviseur qui est aussi immonde moralement que moche en extérieur et on est dans le bain. Le manga s'avèrent encore plus trash, plus violent, plus explicite. Ce que ne pouvait se permettre le film, le manga le montre en long en large et en travers : visages et bras arrachés par des balles, œil énucléés, ventres se vidant de leurs entrailles et ça viole pas mal aussi. Les amateurs de gore apprécieront. Âmes sensibles s'abstenir même si le "réservé à un public averti" a été oublié sur la couverture. (correction : apparu à partir du tome 3 mais seulement parce que ça tourne au porno).
Ce qui fait par-dessus tout la différence, c'est le temps que prend l'auteur pour créer un passé à chacune de ses futurs victimes. Avant de les massacrer en beauté, on apprendra comment tel ou tel personnage s'entendait avec ses camarades de classe, s'il avait un caractère extraverti ou était complètement renfermé sur lui-même ou encore s'il faisait parti d'un gang ou d'un club de sport. Tout est mis en œuvre pour que, pour la plupart d'entre eux, la mort vienne littéralement les faucher alors que tout allait pour le mieux dans leur vie. Cette ficelle censée jouer avec la fibre sensible du lecteur est cependant tellement grosse qu'il devient difficile par moment de ne pas trouver ridicule tant d'insistance. C'est pourtant le point fort de ce manga. Ce qui lui donne un surplus d'intérêt par rapport au film. Mais le côté larmoyant (de rage ou de désespoir) largement amplifié par le dessin ultra-dégoulinant est assez énervant au final même si ça part d'une bonne intention. Le développement détaillé autour de l'aspect totalitaire de la société est quant à lui très bien vu et place d'ailleurs l'histoire dans un contexte historique bien différent et plus complexe de celui du film.
Le pari de donner de la profondeur à l'histoire n'étant pas toujours pleinement gagné à mes yeux, surtout à cause de l'effet de lenteur que cela crée, ça rattrape tout de même pas mal un dessin des visages que je trouve particulièrement hideux. Le dessinateur a pourtant un style qui lui est propre, ce qui est un bon point pour lui. En plus, il n'y a jamais de problèmes de proportions au niveau des corps, c'est toujours bien propre de ce côté-là. Il n'empêche que pour les têtes c'est souvent ou trop caricatural (le prof en particulier) ou trop lisse. Les garçons ont des regards de chiens battus et les nanas ont des têtes à claques en plus d'être des pleurnicheuses professionnelles à larmes rondes aux coins de leurs yeux de poupées poissonneuses. Déjà qu'elles sont assez gniangniantes dans l'ensemble, leurs têtes en rajoutent une couche. L'une des rares à sortir vraiment du lot est tout de même Mitsuko Soma. Non seulement elle est l'une des rares à présenter un caractère de battante et à ne pas perdre de temps à rentrer dans le jeu mais en plus son dessin est plus agressif et rajoute beaucoup de piment à l'histoire. Du côté des garçons, on retrouve l'équivalent en la personne de Kawata Shôgo, un peu moins hot mais très efficace. Ça relève le niveau par rapport à la plupart des autres personnages.
Nul doute cependant que ce titre aura son public. Il pourrait même devenir le titre le plus rentable pour Végétal Manga qui a l'air d'avoir enfin abandonné son papier buvard. Pour ma part et pour encore mieux apprécier le film parce que c'est loin d'être désagréable d'approfondir le sujet, je vais plutôt attaquer le roman et laisser tomber le manga.