Piège abscons
Si la légende de Mae Nak maintient le record du plus grand nombre d'adaptations officielles (et officieuses), Ban Phi Pob est celle de la franchise cinématographique la plus longue avec pas moins de 13 épisodes tournés à ce jour, dont 12 entre 1989 et 1994 et un treizième en 2008. Cette série met en scène l'une des figures les plus emblématiques du folklore thaïlandais, Pop (ou Bpop ou Phorb), inspirée de l'histoire d'un prince, qui aurait eu le don de prendre le contrôle de ses concitoyens. Au fil du temps, le noble personnage s'est transformé en celui de sorcière, qui était carrément dite pouvoir se projeter dans le corps de ses victimes pour leur dévorer les intestins de l'intérieur.
La série des Ban Phi Pob est née de l'envie des producteurs à donner naissance à un nouveau personnage charismatique du folklore thaï, tout en se servant des recettes éprouvées des autres productions: soit un budget mini pour des bénéfices maxi avec un tournage expédié en moins d'une semaine et un casting entièrement composé d'inconnus. L'histoire conte donc celle des villageois aux prises avec Pob Yib, dame inoffensive de jour (du moins dans le premier épisode) et monstre affamée la nuit venue (affamée tout court dans les épisodes suivants). En dépit d'une intrigue convenue et des longues scènes d'exposition inutiles, le miracle se produit: le premier épisode s'avère un incroyable succès populaire et incite les producteurs à enchaîner les séquelles dès la même année 1989 sans rien changer au concept de base; soit des courses-poursuites en accéléré toujours plus loufoques entre Pob Yib et les villageois et qui s'inspirent à la fois de Benny Hill et de Tex Avery.
(Retrouvez l'article complet consacré à la saga des Baan Phee Pob dans le dossier consacré au fantastique thaï dans "ECRANS d'ASIE N° 4").
Après la fulgurant succès des deux premiers épisodes, la franchise des "Ban Phee Pob" va désormais atteindre sa vitesse de croisière avec son inimitable personnage clé interprété par l'actrice Nattanee Sitthisaman, qui va pourchasser les villageois avec sa fameuse prise du "bec à poulet" pour tenter de leur arracher leurs viscères. Ces poursuites seront à l'origine de nombreuses séquences dans un style très "Benny Hill"-esque, en accéléré avec des blagues inventées du temps de George Meliès de personnages cachés dans des paniers, qui apparaissent et disparaissent en arrêtant la caméra pour repartir les comédiens – une blague déjà présente dans le 2, mais qui n'est pas la seule reprise (et qui deviendra récurrente dans tous les épisodes), à l'instar de cet autre gag récurent du grand-père émoustillé à la vie de baigneuses (chastement) dévêtues.
Comme à l'accoutumé dans des comédies potaches depuis les années 1970 (et perdurant encore aujourd'hui), des trisomiques serviront de personnages "comiques" et dont les seules tares physiques seront source de gags pour les spectateurs thaïlandais.
Une autre récurrente sera l'instauration de trouvailles dignes de celles de Geo Trouve-Tout, avec un bicycle, qui est capable de s'envoler, comme dans "E.T." de Spielberg. Ces "gimmicks" sont un autre hommage au cinéma d'action thaï de la fin des années 1970, dans lequel ces gadgets étaient monnaie courante, comme dans les films d'action avec Sombat Methanee. Bref, du délire aussi léger qu'un poids lourd chargé à bloc, mais symptomatique de toute une époque pas si révolue que cela, en vue des récentes comédies troupiers thaïlandaises.