Taegukgi, le reboot
On prend les mêmes et on recommence avec un pathos qui cette fois s’engouffre complètement dans l’illustration froide d’un cahier des charges que l’on connaît par trop bien à force de se l’ingurgiter, masos que nous sommes. Composé de frères ennemis, d’action, de haine, de rage, de barbarie, de grand spectacle et d’une zimmerisation extrême d’un score aussi batmanisé que banalisé, le tout sous l’égide d’un « bon pour accord » pour ce très gros budget obtenu grâce à un impondérable fatiguant, la grandeur du drapeau coréen,
Far Away s’avère en effet très « loin » d’approcher cet éternel modèle de
KANG Je-Gyu qu’est
Le soldat Ryan. Déjà bien décliné dans son précédent forfait. Si rien ne nous est épargné rayon poncifs – vous voilà prévenus – et si cette réutilisation honteuse de la trame globale de
Frères de sang (Taegukgi) sera rédhibitoire pour beaucoup, le film n’en reste pas moins dénué d’indéniables qualités. Ce que le fan de film de guerre vient voir avant tout, à savoir des scènes de guerre, il les trouvera sans peine et ce jusqu’à plus soif. La logistique des combats, par ailleurs bien filmés, impressionne. L’action est au rendez-vous et les affrontements se font aussi ultra violents qu’immersifs le temps de trois gros conflits, tous traités avec un talent certain pour gérer de telles logistiques massives. Ce qui n’est pas toujours le cas, loin de là, que l’on se souvienne pour exemple d’un
John Woo sur
Windtalkers qui, sur ce point, déçut grandement les adeptes. Les CGI aident là indéniablement grâce aux progrès techniques mais ceci n’explique pas tout.
A travers nos personnages écrits sommairement, sur un mode
Call of Duty très efficace on assiste d’abord en 1939 à la bataille de Nomonhan à la frontière entre Mandchourie et Mongolie, qui voit s’opposer l’armée japonaise où se situent nos deux héros à l’armée sovieto-mongole. C'est le segment le plus impressionnant du métrage, la barbarie y est viscérale. Puis, deux ans plus tard c’est sur le front russe, certes bas mais belliqueux, que nos deux frères de sang, dont toujours
JANG Dong-Kun qui reprend peu ou prou son même personnage que dans Taegukgi, combattent les allemands sous l’uniforme ruskof. Enfin, en tant que soldats allemands cette fois, ils s’en vont bien malgré eux s’opposer aux américains lors du débarquement en Normandie de 1944. Là, le bât blesse, parce que la comparaison d'avec le film de Spielberg se fait évidente et pas vraiment à l’avantage d’un métrage coréen en mode Ctrl+C/Ctrl+V. Pour autant, de voir nos héros ballottés d’une armée à une autre sans que l’on ne nous explique jamais les enjeux généraux - mon Colonel ! - souligne l’absurdité de ces guerres où un uniforme chasse l’autre quant les envies du soldat restent. Bouffer, survivre, se barrer de là, rentrer maison. Et, au détour d’une scène un peu « autre » ne voit-on pas soudain un arabe portant l’uniforme nazi papoter d'évasion en allemand avec un coréen du même bord ? En voilà de la viande condamnée et peu importe la couleur de l’assiette où elle se trouve.
Far Away est doté d’effets spéciaux marquants, bénéficie d’un travail conséquent de trois ans de vérification historique quant aux uniformes, décors, armes, faits etc, ce qui se voit à l’écran, et d’une ambiance guerrière prégnante. Cette plus grosse superproduction dans l’histoire du cinéma coréen (25 millions d'€uros de budget) se révèle une machine de guerre qui emporte tout sur son passage comme un sergent chef vous hurlerait de vous jeter dans la boucherie collective en vous crachant dessus, vous menaçant de son revolver. On n’est pas là pour enfiler des perles ! Ca n’en est pas une et ça s’appelle un blockbuster, forfait tout compris.