La très grosse artillerie
Il fut une période au sein de l'Histoire Cinématographique Coréenne, notamment durant les années 1970, où la profession décernait carrément un prix au "meilleur film anti-coréen" de l'année – et de voir se multiplier des films de propagande aux relents patriotiques à peine supportables, d'une description primaire, d'une violence souvent exacerbée…Des films, que l'on pensait définitivement oubliés et enterrés, surtout depuis les œuvres beaucoup plus intelligentes, qui savaient faire la part des choses, depuis le méchant pas si mauvais de "shiri" jusqu'au duo finaud du récent "Secret Reunion"…Des films, qui osaient aborder des vrais problématiques et représenter "l'ennemi" comme étant simplement des humains, souvent dépassés par le concours de circonstances, voire manipulés par une poignée d'hommes abusant de leur pouvoir.
"71 – Into the fire" fait voler toutes ces bonnes intentions en éclats en deux-trois coups de lance-roquettes. S'inspirant d'un fait divers "réel", où 71 soldats à peine formés se sont évertués à défendre une école (tout un symbole !!!) contre le "méchant envahisseur nord-coréen", le film reprend donc la bonne vieille formule archi-rabattue du combat de David vs. Goliath, ou plutôt des "300" avec des défenseurs en sous-nombre, qui sauront résister (un temps) contre un ennemi beaucoup plus nombreux et puissant.
Un thème, qui aurait effectivement pu être génial, avec ces jeunes inconscients, enrôlés parfois malgré eux dans l'armée et laissés-pour-compte dans cet endroit isolé. Des jeunes, qui savent à peine se servir d'un fusil, plus enclins à s'affirmer à l'intérieur du groupe pour jouer aux beaux coqs, plutôt que de penser à tuer d'autres êtres humains…
Mais voilà, la scène d'introduction donne le ton: Lee Jae-han est beaucoup plus intéressé par le combat brut, que par un quelconque développement psychologique. Force brute contre la force des mots, en somme.
Second constat: l'ensemble des premiers rôles est attribué à des jeunes vedettes issus de boys band ou des soaps TV. Leurs rôles sont donc réduits au strict minimum, genre serrage de poings et des dents et froncement de sourcils avec la "Bieber's Touch" et la mèche rebelle, qui tombe impeccablement sur le front ou alors avec des personnages stéréotypés, comme le petit gros, pouvant servir de tête à turc à la poignée des vilains à l'intérieur du groupe…Vilains, qui seront quand même réévalués en fin de film, car il ne manquerait plus qu'ils ne paraissent plus méchants que le terrible adversaire.
Terrible adversaire, qui ne connaît donc aucune foi, ni loi et qui porte une bonne vieille Rolex au poing, lors d'un furtif plan rappelant celui, désormais culte, de "Ben Hur" de l'époque…à moins que le fait de porter une Rolex en plein conflit par un général nord-coréen signifie la méchanceté absolue pour le réalisateur.
Bref, on se retrouve avec une séquence d'introduction calquée sur celle du "Soldat Ryan" (tourné il y a quand même plus de 10 ans, putain !!) avant une longue partie centrale aux personnages stéréotypés et sans une once de talent d'acteur avant l'attendu affrontement final fait de bruit, mais très peu de fureur et – surtout – au sort quelconque, tant on s'en fiche finalement de qui pourrait tomber sous les balles de l'ennemi.
Oui, "Into the fire" n'est pas foncièrement mal fait avec un budget conséquent, quelques bonnes scènes de guerre, mais qui ne se distingue absolument pas des trop nombreuses productions ricaines à la gloire de la Mère Patrie avec des Ashton Kusher à la pelle dans les rôles principaux. Est-il finalement étonnant, que le réalisateur Lee ait déjà manifesté son envie de partir travailler aux USA ?!!
Mouais...
"Scénario basé sur une histoire vraie"... ça c'est jamais bon signe, surtout en Corée. Ce film est à mi chemin entre le film de guerre classique et "Friends", avec les bons et mauvais côtés que comportent ces deux catégories. Je ne le recommanderais à personne, mais "71 Into the Fire" se laisse quand même regarder quand on a le temps.