En 1968, l'Organisme afghan du cinéma fut créé grâce à des fonds américains, mais les techniciens (monteurs, cameramen) avaient fait leurs études en Russie et en Inde. De nombreux films furent réalisés et de nouvelles sociétés de production indépendantes virent le jour, comme Nazir Film et Ariana Film, mais pour peu de temps. Citons quelques titres : Talabgar (1969), Rabia de Balkh (1974 – film collectif), The Statues Are Laughing (1976) de Toryalai Shafaq,…
1978 – 2001 : guerre et terreur
Avec la révolution de 1978, le cinéma servit avant tout de propagande à l'Etat jusqu'en 1986, lorsque Najibullah prit les rênes du gouvernement et assouplit la censure. C’est à cette époque que trois des cinéastes les plus connus, Siddiq Barmak, Abdel Wahed Nazari et Latif Ahmadi, firent leurs premières armes : dans le court métrage pour le premier (Diwar - 1983, Daira - 1985, Stranger - 1987), dans le long métrage pour le second (Lahzara - 1983), et le troisième (Akhter le bouffon - 1981, Gonah - 1983, Hamaseh Ishq - 1986).
Au début des années 90, les luttes intestines entre moudjahiddin poussèrent beaucoup de cinéastes à quitter le pays et la production afghane s'arrêta net. Seuls trois films furent réalisés durant cette période, notamment Ouruj en 1990.
Lorsque les talibans prirent le pouvoir en 1996, ils s'attaquèrent d'abord aux cinémas et brûlèrent tous les films. En 2001, ils firent sauter les Bouddhas géants de Bamiyan et tentèrent aussi de détruire le Musée national, les Archives du cinéma afghan, Radio Afghanistan et TV Afghanistan. Issaq Nizami, directeur de Radio-TV Afghanistan, décida de cacher une grande partie des archives cinématographiques avec l'aide de huit membres de son personnel. C'est enfin le 11 septembre qui permit aux Archives du cinéma afghan d'échapper aux mains des talibans.
Après 2001 : une renaissance encore timide
Trois millions de personnes vivent aujourd’hui à Kaboul. On y compte 7 cinémas et très peu d'entrées, contre une vingtaine dans les années 70. La plupart des Kaboulis louent des films en DVD et les regardent chez eux. Les cinémas des autres grandes et petites villes d'Afghanistan ont été détruits.
La production de longs-métrages a repris, mais seuls 2 films ont eu une distribution mondiale (dont la France). Osama, tourné en 2003 par Siddiq Barmak, se penche sur la condition des femmes sous le régime des talibans, avec ce pitch angoissant où une mère décide de travestir sa fille en garçon pour continuer à vivre. Earth and Ashes quant à lui, signé Atiq Rahimi en 2004, se déroule dans un village détruit par la guerre, évoquant les souvenirs et les attentes de ses habitants. A noter que le prochain film de Barmak, Opium War, sortira courant 2008.
D’autres auteurs comme Abdel Wahed Nazari continuent à tourner, mais avec une diffusion beaucoup plus confidentielle. On le voit, le cours normal des choses reprend peu à peu, mais le cinéma afghan manque cruellement de moyens : l’argent public, on s’en doute, est consacré à d’autres projets bien plus urgents, tandis que les investisseurs privés ne se bousculent pas au portillon.
Mais l’Afghanistan existe également à travers les yeux des cinéastes étrangers, qui se sont régulièrement intéressés à son sort.
La France a constamment tissé des liens culturels avec l’Afghanistan, et ce dès les années 1960 avec le film d’aventures La Fabuleuse aventure de Marco Polo, dont un passage est consacré au pays. Mais c’est Christophe de Ponfilly qui a le plus rapproché les 2 pays ces dernières années. Journaliste proche du commandant Massoud dès le début des années 80, il tournera au moins 3 documentaires sur son pays d’adoption : Une vallée contre un empire (1981), Les combattants de l’insolence (1984) et surtout Massoud, l'Afghan (1998), film qui remporte un important succès international. Christophe de Ponfilly a toujours été témoin, se servant de sa caméra pour faire connaître des combats. Dans une interview pour Télérama, il affirmait " Personnellement, je pense qu'une caméra peut être une arme bien plus efficace qu'une kalachnikov. Et j'ai trop horreur des armes et de ce qu'elles font subir aux hommes pour avoir la tentation de vouloir en saisir une ". En guise d’adieu, il signe L' Étoile du soldat en 2006, film de fiction sur la guerre contre les soviétiques, avant de se suicider la même année.
Un autre documentaire est sorti récemment sur les écrans français. Cabale à Kaboul, co-production franco-belge réalisée par Dan Alexe, narre l’histoire étonnante des 2 derniers juifs de Kaboul, Isaac et Zabulon, qui vivent dans l’enceinte de la vieille synagogue, désertée et pillée. Enfin, Kabuli kid de Barmak Akram sortira courant 2008, produit par la société française Fidélité Films.
Le reste de l’Europe est plus discret. Côté italien on peut signaler le documentaire Jung (War) in the Land of the Mujaheddin datant de 2001. Côté anglais, c’est Michael Winterbottom qui se distingue : après In this world (2002), un road movie mettant en scène 2 jeunes cousins afghans grâce auquel il décroche l’Ours d’or à Berlin, il signe en 2006 le controversé The Road to Guantanamo, Ours d’argent cette fois-ci, une œuvre s’efforçant de dénoncer la politique répressive américaine suite aux attentats du 11 septembre à travers le destin de 4 anglais capturés à Kandahar.
Mais c’est sans conteste l’Iran qui s’est penché avec le plus de sérieux sur la condition de leurs voisins afghans, dont plus de 2 millions sont réfugiés dans des camps placés sur leur territoire. C’est d’abord Djomeh, signé Hassan Yektapanah en 2000, et son jeune héros afghan qui tente de s’intégrer avec beaucoup de difficultés à la société iranienne après avoir fui son pays. C’est ensuite Mohsen Makhmalbaf qui secoue la planète cinéma en 2001, quelques semaines avant l’invasion US, avec son Kandahar où le destin des femmes complètement voilées et des blessés de guerre ont sans doute beaucoup fait pour la prise de conscience mondiale sur le régime des talibans. Suivront Baran (2001) de Majid Majidi, à nouveau sur les réfugiés afghans, avant que sa femme Marzieh (Stray Dogs - 2004) puis les 2 filles de Mohsen Makhmalbaf ne prennent le relais : Samira avec At five in the afternoon (2003), puis Hana avec Buddha Collapsed Out of Shame (2007).