Annoncée sur plusieurs forums, la venue de Ti Lung au festival d'Amiens
n'a pas manqué d'être remarquée. Il faut dire qu'il est déjà difficile
de voir des légendes de la Shaw dans des festivals, qui plus est en France
et dans un festival tout de même assez "modeste". Cinemasie a
donc formé une valeureuse équipe de fans de la Shaw pour se rendre à Amiens,
couvrir le festival le temps d'un week-end, et surtout rencontrer Ti Lung.
Si cet article se montre peu objectif dans le sens où il s'attache beaucoup à retranscrire
nos impressions, c'est avant tout car au delà même de l'intérêt des films
présentés et de la présence de Ti Lung, le festival a surtout permis à des
fans de la Shaw de rencontrer une de leurs idoles. Donc à ma droite, Drélium,
sponsorisé par Absolut Vodka, dans un état second le matin du départ (ddré :
hé ho, j'ai revu un vieux pote la veille, il fallait fêter ça). A ma gauche,
François réveillé aux aurores et rechargé à bloc à l'idée de rencontrer
un de ses acteurs préférés de la Shaw (avec l'inoubliable Jimmy Wang Yu,
dit "La Crevette Atomique"). Passons sur le voyage à vitesse
modérée et fenêtre grande ouverte pour éviter au passager de restituer
son achat de la veille et salir la belle voiture du conducteur.
Arrivés à Amiens, un petit sandwich, briefing rapide sur le questionnaire,
la pression monte. Appel de la fort sympathique attaché de presse, Ti Lung
demande à décaller l'interview d'une heure et demie. Nous en profitons
pour essayer de nous relaxer, et finir de préparer le questionnaire et
le cadeau préparé par Drélium. 17h10, l'heure est venue, et nous nous rendons à l'hôtel
dont nous cacherons ici le nom, mais pas partout hélas. La traductrice
nous apprend que Ti Lung pourra assurer l'interview en anglais ce qui nous
laisse dans l'expectative quant au rendu final. Arrivés dans le lobby,
un homme se tient devant l'accueil, inutile qu'il se retourne, sa prestance
l'a déjà trahi. Il va peut-être se retourner brusquement avec un sabre
dans une main et un automatique dans l'autre. Inutile, son regard suffit à nous
terrasser. La pression des dernières minutes avant l'interview n'a même
pas pu monter, nous échangeons les premières politesses dans quatre langues
(anglais, français étonnament bien utilisé par Ti Lung, cantonais et mandarin
pour lui rendre la pareille). Ravi d'entendre sa langue natale, il teste
alors François qui se retrouve assiégé et ne peut dès lors que se rétracter
en sortant un malheureux : "Euh... Ng meng bah (je ne comprends pas),
sorry". Installation de matériel à grande vitesse, les mains tremblent
un peu quand même, on ne fait pas attendre Ti Lung... Nous lui offrons
le portrait réalisé par Drélium ("such a pleasure to meet you"),
qui évoque déjà les premiers souvenirs de la Shaw, Soul of the Sword, l'acteur
commence déjà à se montrer bavard, l'interview n'a pourtant pas commencé.
Premières questions, l'appréhension est encore là, l'homme a tout de même
une image très sérieuse, comment seront ses réponses? Et surtout comment
seront nos questions? Aura-t-il envie d'y répondre? Passés deux questions,
tout le monde est rassuré, l'icône de la Shaw est d'une sympathie confondante
et surtout très loquace et intéressant. Interviewer un acteur ne conduit
pas toujours à des propos aussi fournis que ceux de certains réalisateurs,
mais force est de constater que Ti Lung a beaucoup à dire. Sur la Shaw évidemment,
sur ses relations avec David Chiang, Chang Cheh, la famille de la Shaw.
Mais aussi sur sa seconde vie, le Syndicat du Crime, ses films plus récents.
Il semble même très touché lorsque l'on évoque la mort de Leslie Cheung.
L'homme parle un anglais tout à fait impressionnant, surtout pour un acteur
de sa génération. Il ponctue ses interventions de quelques phrases en français,
auxquelles nous tentons vainement de répondre avec un peu de cantonais.
Notre questionnaire complet y passe, Drélium a fait un peu trembler la
caméra d'émotion (pour sa première interview en tant que caméraman, le
briefing tant attendu avant l'interview manque gravement à son assurance),
François a caffouillé quelques questions, mais tout le monde passe un bon
moment, Ti Lung appréciant visiblement de parler de la Shaw et étant parfois
difficile à arrêter. Mais toute bonne chose a une fin, et nous quittons
l'hôtel en planant à 30 centimètres au dessus du sol pour rejoindre la
Maison de la Culture où se tiendront les projections du soir.
Histoire de ne pas nous laisser redescendre, l'acteur nous rejoint dans
le hall quelques minutes plus tard avec sa femme, et nous continuons à évoquer
sa carrière, notamment sa participation avec son fils dans Star Runner.
Mais il est rapidement l'heure de la séance, Have Sword Will Travel en
copie non restaurée, mais de bonne qualité. Ti Lung introduit le film sous
de vifs applaudissements, manie anglais et français pour se mettre le public
dans la poche et laisse les spectateurs découvrir le Show Shaw. Lesquels
en ressortent plutôt étonnés, des rires ont fusé bien sûr, mais le film
a été applaudi au final, et certains en redemandent déjà. Ca tombe bien,
nous enchaînons sur Vengeance, toujours présenté par Ti Lung, malgré le
décalage horaire. Have Sword a déjà converti quelques spectateurs, l'accueil
de l'acteur se fait plus chaleureux, le public réagit plus vivement à ses
interventions, surtout au poème de Victor Hugo qui finit de charmer l'auditoire.
S'en suit une deuxième séance aussi plaisante que la première, même si
un peu répétitive dans le style. Les spectateurs en ressortent tout de
même contents pour la plupart, certains reviendront le lendemain à n'en
pas douter.
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Have Sword Will
Travel |
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Vengeance |
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La journée se termine dans un pub pizza nommé "Au bureau" que
nous recommandons vivement puisqu'il sert de bons petits plats aux amateurs
de cinéma qui sortent tardivement. La seconde journée débute par une table
ronde composée de Ti Lung et de trois grands spécialistes du cinéma de
la Shaw, Pierre Rissient, déjà aperçu sur un des DVD Wild Side, un des
responsables des archives du cinéma à Hong Kong, et un programmateur du
festival de Singapour qui nous attendent pour discuter de l'histoire du
studio et répondre à nos questions. L'heure qui suit se révèle être une
présentation de haute volée complétée par des questions d'un public fin
connaisseur. La traductrice peine un peu à suivre le flot ininterrompu
de références et de noms qu'elle a manifestement beaucoup de mal à digérer
en un temps si restreint, mais les connaisseurs comme les novices apprennent
beaucoup de choses.
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Vidéo Table Ronde: bientôt! |
S'en suit la projection de Blood Brothers, un très bon choix pour une
rétrospective Ti Lung tellement sa prestation dans le film est éclatante.
Ti Lung prouve une nouvelle fois sa gentillesse et son incroyable énergie
en venant saluer le public à la fin du film. Son personnage singulier dans
Blood brothers est un rôle qu'il apprécie tout particulièrement et il tenait à être
présent pour répondre au public de tout âge venu encore plus en nombre
que les projections précédentes. Toujours aussi communicatif et plein d'humour
il se retire sur quelques mots en français : "Je ne vais pas prendre
plus de votre temps... mal à la tête, mal à la gorge... Je prend congès
maladie !". La légende s'éclipse en signant des autographes et termine
ainsi un week end qui aura été aussi chargé que le nôtre et nous l'espérons
pour lui, aussi rempli en émotions, le tout dans le cadre d'un festival à l'ambiance
très appréciable et à l'organisation pas moins réussie. La programmation
Shaw Brothers et Ti Lung est de qualité, puisqu'on trouve à la fois des "classiques" déjà disponibles
en DVDs, mais aussi quelques perles comme "The Assassin" de Chang
Cheh, que nous n'avons hélas pas pu voir. Mais des films comme
Golden
Swallow,
Vengeance,
Blood
Brothers,
Le Syndicat du Crime,
Boxer
From Shantung sont une introduction tout à fait correcte à la Shaw
et à la carrière de Ti Lung, et la présence de l'acteur ainsi que de bons
spécialistes de la Shaw constitue un plus indéniable.
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Blood Brothers |
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